Mais qui est Monsieur Pao de Queijo ?

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Il y a trente-deux ans, un certain Antônio Cançado a quitté son pays natal, à l’intérieur du Minas Gerais, pour voir le monde, contre vents et marées. La ville où il était né avait rempli son rôle et, en temps voulu, l’avait bien expédié en France.

Arrivé à Paris à l’âge de 22 ans, portant dans sa valise le rêve d’être heureux, il a fini par vendre des rêves, lui aussi, en emmenant les gens à travers le monde, via un agent de voyages – Carrefour des Voyages / Voyageurs du Monde – ou les faisant venir du Brésil à la terre de Molière.

Mais son esprit d’entrepreneur l’a amené à créer Central do Brasil, une jolie boutique de produits brésiliens, à quelques minutes de l’Opéra. C’était là que les gens venaient «tuer la nostalgie» de leur terre.

En juillet 1998, date que les Brésiliens n’oublient jamais, avec la défaite de leur équipe à la Coupe du monde, ses efforts ont reçu un coup dur.

C’est alors qu’il est invité par Voyageurs du Monde à s’installer à Lyon, capitale de la gastronomie française.

Amoureux des arts, des artistes, de la culture et de la religiosité brésilienne, il s’est retrouvé avec la grâce et la responsabilité de recevoir l’image de Notre-Dame Aparecida, la sainte patronne du Brésil, qui aurait une place de choix dans la célèbre basilique de Fourvière, appartenant à l’archidiocèse de Lyon.

L’événement, mémorable, ne pouvait pas passer inaperçu, car il recevrait des personnalités telles que des maires, des ambassadeurs et des représentants du haut clergé des deux pays.

À l’occasion, en 2017, Antônio Cançado était en déplacement au Portugal, et c’est là, au pays de Camões, qu’est née l’idée de servir aux hôtes, la délicatesse qui représente à l’unanimité l’unité nationale, du nord au sud du Brésil : le petit et incomparable pain au fromage, le pao de queijo. Il est rentré à Lyon avec 500 kg du produit dans sa valise. Monsieur Pão de Queijo y est né, 32 ans après son arrivée en France.

Interrogé sur la question de pourquoi il avait attendu si longtemps pour amener en France un produit aussi populaire dans son pays natal, il répond: «Le pain au fromage est une gâterie d’enfance, de la maison de grand-mère, des tantes, des voisins, des meilleurs copains; c’est un bisou, pas une business, et il nous accompagne dans n’importe quelle destination, il faut juste avoir chaud au cœur pour qu’il ressorte chaud du four ».

Mais dès lors, Antônio, qui n’a rien de fatigué, a décidé de faire connaître la gourmandise en France, alors que les Français l’ont déjà goûtée, ici et là, chez un Brésilien.

Monsieur Pão de Queijo est aujourd’hui connu par les meilleurs restaurants, traiteurs, les amoureux de la cuisine brésilienne, et peut être commandé de partout en France.

La recette de cette gourmandise remonte au 18e siècle dans le Brésil colonial, lorsque les cuisinières des grands agriculteurs, essayant de trouver un ingrédient pour remplacer la farine de blé de mauvaise qualité qui arrivait endommagée des navires portugais, ont trouvé, dans l’amidon de manioc (un produit déjà utilisé par les premières nations autochtones brésiliennes et par les esclaves), l’ingrédient parfait, progressivement amélioré, avec des restes de fromage, d’œufs et de lait, produits typiques de la capitainerie du Minas Gerais.

La légende raconte qu’une recette similaire serait peut-être arrivée en Amérique du Sud avec les jésuites au 18e siècle, et qu’elle serait comparée à la gougère française.

Justice soit faite, qu’il soit d’origine française, indigène, ou rehaussé par les esclaves africains, le petit pain au fromage est devenu la grande passion de la petite ville de Mogneneins , dans la région dans l’Ain (01) , où réside Antônio, et d’où il l’achemine vers tout l’Hexagone, et bientôt vers toute l’Europe.

Pendant ce temps, saudade, ce mot unique et intraduisible de la langue portugaise, fait parcourir aux Brésiliens, 150 km pour assouvir le désir de sa femme enceinte, ou simplement faire un voyage dans le temps, chez sa grand-mère, ses parents ou amis, en apportant vers la France profonde, un morceau – sans gluten – du Brésil.

Appréciée à tout moment de la journée, cette petite gourmandise qui apporte avec elle beaucoup dans son histoire, est toujours fabriquée au Brésil, et arrive en France pour être consommée à la manière brésilienne ou française, au petit déjeuner, ou pour recevoir des invités de marque, avec du café ou du Champagne.

Si vous voulez en savoir plus sur le «petit notable» de la gastronomie brésilienne, ou comment l’associer aux coutumes et recettes françaises, visitez le site Internet ou venez nous rendre visite. L’hospitalité du Minas Gerais fait partie de la recette.

Le meilleur du Brésil, maintenant sous le charme de 2000 ans de l’histoire française.

Texte du Professeur Marco Aurelio Diniz de l’ Université de Montréal au Canada