« Il faut s’indigner », dit le pape François dans sa lettre « Chère Amazonie 14-15 »

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Chef Raoni a été reçu par le Pape François durant sa tournée européenne mai 2019

« Les opérations économiques qui endommagent l’Amazonie doivent être dûment appelées : injustice et crime »

NOTE DES ÉVÊQUES DE L’AMAZONE BRÉSILIENNE SUR LA SITUATION DES GENS ET DES FORÊTS EN PANDÉMIE COVID-19

« Les opérations économiques qui endommagent l’Amazonie doivent être dûment appelées : injustice et crime »

« Il faut s’indigner ». (Pape François – Chère Amazonie, 14-15)

Nous, évêques de l’Amazonie, face à l’avancée incontrôlée du COVID 19 au Brésil, en particulier en Amazonie, manifestons notre immense inquiétude et exigeons une plus grande attention des gouvernements fédéral et des états de la fédérations à cette maladie qui se propage de plus en plus dans cette région. Les peuples d’Amazonie exigent une attention particulière de la part des autorités afin que leur vie ne soit plus violée. Le taux de létalité est l’un des plus élevés du pays et la société assiste déjà à l’effondrement des systèmes de santé dans les grandes villes comme Manaus et Belém. Les statistiques fournies par les médias ne correspondent pas à la réalité. Les tests sont insuffisants pour connaître l’expansion réelle du virus. De nombreuses personnes présentant des symptômes évidents de la maladie meurent à domicile sans assistance médicale et sans accès à un hôpital.

Des artistes de l’Amazonie dénoncent la destruction de leur région (vidéo présentée lors de la COP21 à Paris) : Adelson Santos, Karine Aguiar & Ygor Saunier

Face à ce scénario pandémique, les pouvoirs publics sont responsables de la mise en œuvre de stratégies de soins responsables pour les secteurs de population les plus vulnérables. Les peuples autochtones, les quilombolas et d’autres communautés traditionnelles sont en grand danger, qui s’étendent également à la forêt, étant donné le rôle important de ces communautés dans leur conservation.

Les données sont alarmantes : la région a la plus faible proportion d’hôpitaux du pays, avec une capacité de soins de faible à élevée (seulement 10%). De vastes zones du territoire amazonien ne disposent pas de lits de soins intensifs et seules quelques municipalités répondent aux exigences minimales recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en nombre de lits et de soins intensifs par habitant (10 lits de soins intensifs pour 100 000 patients).

Outre les populations de la forêt, les populations urbaines, en particulier dans les périphéries, sont exposées et leurs conditions de vie sont encore dégradées par le manque d’assainissement de base, de logement décent, de nourriture et d’emploi. Ce sont des migrants, des réfugiés, des indigènes urbains, des travailleurs industriels, des travailleurs domestiques, des personnes qui vivent d’un travail informel et qui réclament une protection de la santé. Il est de la responsabilité de l’État de garantir les droits énoncés dans la Constitution fédérale en offrant des conditions minimales pour qu’ils traversent ce moment grave.

L’orpaillage, l’exploitation minière et la déforestation pour la monoculture de soja et l’élevage de bétail pour l’exportation ont augmenté de façon alarmante ces dernières années. Selon le système Deter-B, développé par l’Institut national de recherche spatiale (INPE), la déforestation dans la forêt amazonienne a augmenté de 29,9% en mars 2020, par rapport au même mois l’an dernier. Ont contribué à cette croissance  l’assouplissement notoire des inspections et le continu discours politique du gouvernement fédéral contre la protection de l’environnement et les zones indigènes protégées par la Constitution fédérale (art. 231 et 232). Le coronavirus qui nous afflige maintenant et la crise socio-environnementale montrent déjà une énorme tragédie humanitaire causée par un effondrement structurel. L’Amazonie étant de plus en plus dévastée, des pandémies successives restent à venir, pires que celle que nous connaissons actuellement.

Karine Aguiar ( ex-chanteuse de l’Opéra de Manaus) artiste primé à Paris, pour son travail de défense de la foret Amazonienne e du peuple d’Amazonie

Nous sommes extrêmement préoccupés par l’augmentation de la violence à la campagne, 23% de plus qu’en 2018. En 2019, selon les données de la section « Caderno Conflitos no Campo Brasil 2019 » (Conflits sur le terrain Brésil 2019 ) de la Commission pastorale foncière (CPT National), 84% des meurtres (27 sur 32) et 73% des tentatives d’assassinat (22 sur 30) ont eu lieu en Amazonie. Les causes de l’augmentation de la violence dans les campagnes et de la déforestation de la forêt amazonienne sont sans aucun doute l’extinction, la démolition, les destructurations financières et l’instrumentalisation politique d’organismes tels que le Ministère du développement agraire (MDA), la Fondation nationale de l’indien (FUNAI), l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelable (IBAMA) et organismes d’inspection survei  et de contrôle de l’agriculture, de l’environnement et du travail.

Nous sommes également préoccupés par la militarisation du Conseil national pour l’Amazonie légale, selon le décret nº 10.239 du 11 février 2020, formé uniquement par le gouvernement fédéral, sans la participation des états, des municipalités ou de la société civile, et son transfert du Ministère de l’Environnement à la Vice-Présidence de la République.

Nous, évêques de l’Amazonie brésilienne qui avons signé cette note, appelons l’Église et l’ensemble de la Société pour exiger des mesures urgentes de la part du gouvernement fédéral, du Congrès national, des gouvernements des états et des assemblées législatives, afin de :

● Sauver des vies humaines, reconstruire les communautés et les relations en renforçant les politiques publiques, en particulier le système de santé unifié (SUS);

● Répudier les discours qui disqualifient et discréditent l’efficacité des stratégies scientifiques;

● Adopter des mesures restrictives à l’entrée des personnes dans tous les territoires indigènes, en raison du risque de transmission du nouveau coronavirus, à l’exception des professionnels des Districts sanitaires spéciaux indigènes (DSEI);

● Mener des tests sur la population indigène pour adopter les mesures d’isolement nécessaires et empêcher la propagation du COVID-19;

● Fournir les équipements de protection individuelle (EPI) recommandé par l’Organisation mondiale de la santé, en quantité suffisante et avec les instructions correctes d’utilisation et d’élimination; 

● Protéger les professionnels de la santé qui travaillent sur les fronts de santé des populations, en les accompagnant également dans leurs faiblesses psychologiques et physiques;

● Garantir la sécurité alimentaire des populations autochtones, quilomboles, riveraines et autres populations traditionnelles d’Amazonie;

● Renforcer les mesures d’inspection contre la déforestation, l’orpeillage et l’exploitation minière, en particulier dans les terres indigènes et traditionnelles et les zones de protection de l’environnement;

● Garantir la participation de la société civile, des mouvements sociaux et des représentants des populations traditionnelles dans les espaces de délibérations politiques;

● Rejeter la mesure provisoire 910/2019, qui propose une nouvelle régularisation du régime foncier au Brésil, car elle élimine la réforme agraire, la régularisation des territoires des peuples autochtones et traditionnels, favorise l’accaparement des terres, la déforestation et les entreprises prédatrices, régularise les terres l’occupation illégale par l’agroalimentaire, favorise la liquidation des terres publiques dans l’Union à des prix ridicules et autorise l’acquisition de terres par des capitaux étrangers, l’exploitation spéculative des forêts et encourage l’invasion et la dévastation des terres indigènes et des territoires traditionnels;

● Rejeter le projet de loi 191/2020 qui réglemente l’article 176.1 et l’article 231.3 de la Constitution fédérale, établissant des conditions spécifiques pour la recherche et l’exploitation des ressources minérales et hydriques sur les terres indigènes.

● Abroger le décret nº 10.239 / 2020, permettant le retour du Conseil national de l’Amazonie légale au ministère de l’Environnement, avec la participation de représentants de la FUNAI et de l’IBAMA et d’autres organisations de la société civile, indigènes ou indigénistes tels que le Conseil missionnaire indigène ( CIMI), qui opèrent en Amazonie.

● Révoquer l’instruction normative FUNAI 09/2020, qui autorise l’invasion, l’exploitation et même la commercialisation sur des terres indigènes non encore homologuées.

L’Église en Amazonie, après un processus d’écoute riche pour la tenue de l’Assemblée spéciale du synode des évêques pour l’Amazonie, est attentive à ces scénarios et demandes, faisant écho aux cris des pauvres et de la terre, que des mesures urgentes soient prises pour arrêter les activités prédatrices et, en même temps, investir des efforts dans des alternatives à la proposition ratée de progrès et de développement qui détruisent l’Amazonie et menacent la vie de ses peuples.

Que Notre-Dame de Nazareth, Reine de l’Amazonie, nous accompagne et nous aide dans notre désir de servir les pauvres et dans la défense sans compromis de la justice et de la vérité.

Brasilia-DF, le 4 mai 2020

Karine Aguiar, artiste amazonienne chante la saga des « canoeiros » d’Amazonie

Signataires de cette note:

Cardinal Cláudio Hummes, OFM – Président de la Commission épiscopale pour l’Amazonie

Région Nord 1

Dom Adolfo Zon Pereira, S.X – Diocèse d’Alto Solimões

Dom Edmilson Tadeu Canavarros dos Santos, SDB – Archidiocèse de Manaus (Auxiliaire)

Dom Edson Tasquetto Damian – Diocèse de São Gabriel da Cachoeira

Dom Fernando Barbosa dos Santos, CM – Diocèse de Tefé

Dom José Albuquerque Araújo – Archidiocèse de Manaus (Auxiliaire)

Dom José Ionilton Lisboa de Araújo, SDV – Prélature d’Itacoatiara

Dom Marcos Marian Piatek, CSSR – Diocèse de Coari

Dom Mário Antônio da Silva – Diocèse de Roraima

Dom Mário Pasqualloto, PIME – Archidiocèse de Manaus (émérite auxiliaire)

Dom Leonardo Ulrich Steiner, OFM – Archidiocèse de Manaus

Dom Zenildo Luiz Pereira da Silva, C.SS.R – Prélature de Borba

Dom Sérgio Eduardo Castriani, CSSp – Archidiocèse de Manaus (Emérite)

Région Nord 2

Dom Alberto Taveira Corrêa – Archidiocèse de Belém

Dom Alessio Saccardo – Diocèse de Ponta de Pedras (Émérite)

Dom Antônio de Assis Ribeiro, SDB – Archidiocèse de Belém (Auxiliaire)

Dom Bernardo Johannes Bahlmann, OFM – Diocèse d’Ôbidos

Dom Carlos Verzeletti – Diocèse de Castanhal

Dom Erwin Krautler, CPPS – Diocèse de Xingu (émérite)

Dom Evaristo Pascoal Spengler, OFM – Prélature de Marajó

Dom Irineu Roman, CSJ – Archidiocèse de Santarém

Dom Jesus Maria Cizaurre Berdonces, OAR – Diocèse de Bragança

Dom Jesús María López Mauleón, OAR – Prélature Alto Xingu / Tucumã

Dom João Muniz Alves, OFM – Diocèse de Xingú

Dom José Altevir da Silva, CSSp – Diocèse de Cametá

Dom José Azcona Hermoso, OAR – Prélature de Marajó (émérite)

Dom José Maria Chaves dos Reis – Diocèse d’Abaetetuba

Dom Luís Ferrando – Diocèse de Bragança (Émérite)

Dom Pedro José Conti – Diocèse de Macapá

Dom Teodoro Mendes Tavares, CSSp – Diocèse de Ponta de Pedras

Dom Vital Corbellini – Diocèse de Marabá

Dom Wilmar Santim, Ocarm – Prélature d’Itaituba

Région Nord 3

Dom Adriano Ciocca Vasino – Prélature de São Félix do Araguaia

Dom Dominique Marie Jean Denis You – Diocèse de Santíssima Conceição do Araguaia

Dom Giovane Pereira de Melo – Diocèse de Tocantinópolis

Dom Pedro Brito Guimarães – Archidiocèse de Palmas

Dom Philip Dickmans – Diocèse de Miracema do Tocantins

Dom Romualdo Matias Kujawski – Diocèse de Porto Nacional

Dom Wellington de Queiroz Vieira – Diocèse de Cristalândia

Région Nord-Ouest

Dom Benedito Araújo – Diocèse de Guajará-Mirim

Dom Flávio Giovenale, SDB – Diocèse de Cruzeiro do Sul

Dom Joaquín Pertiñez Fernández, OAR – Diocèse de Rio Branco

Dom Meinrad Francisco Merkel, CSSp – Diocèse de Humaitá

Dom Mosé João Pontelo, CSSp – Diocèse de Cruzeiro do Sul (émérite)

Dom Roque Paloschi – Archidiocèse de Porto Velho

Dom Santiago Sánchez Sebastián, OAR – Prélature de Lábrea

Père José Celestino dos Santos – Diocèse de Ji-paraná (Administrateur diocésain)

Région Nord-Est 5

Dom Armando Martín Gutiérrez, FAM – Diocèse de Bacabal

Dom Elio Rama, IMC – Diocèse de Pinheiro

Dom Evaldo Carvalho dos Santos, CM – Diocèse de Viana

Dom Francisco Lima Soares – Diocèse de Caroline

Dom João Kot, OMI – Diocèse de Zé Doca

Dom José Belisário da Silva, OFM – Archidiocèse de São Luís do Maranhão

Dom José Valdeci Santos Mendes – Diocèse de Brejo

Dom Rubival Cabral Britto, OFMCap – Diocèse de Grajaú

Dom Sebastião Bandeira Coêlho – Diocèse de Coroatá

Dom Sebastião Lima Duarte – Diocèse de Caxias do Maranhão

Dom Vilsom Basso, SCJ – Diocèse d’Imperatriz

Père Nadir Luís Zancheti – Diocèse de Balsas (Administrateur diocésain)

Région Ouest 2

Dom Canísio Klaus – Diocèse de Sinop

Dom Derek John Christopher Byrne, SPS – Diocèse de Primavera do Leste-Paranatinga

Dom Jacy Diniz Rocha – Diocèse de São Luís dos Cárceres

Dom Juventino Kestering – Diocèse de Rondonópolis-Guiratinga

Dom Milton Antonio dos Santos, SDB – Archidiocèse de Cuiabá

Dom Neri José Tondello – Diocèse de Juína

Dom Protogenes José Luft, SdC – Diocèse de Barra do Garças

Dom Vital Chitolina, SCJ – Diocèse de Diamantino

Valorisation de la biodiversité Amazonienne chantée par Karine Aguiar